Les textiles intelligents : industrie de demain ou gadgets superflus ?

Le 10 mai 2017

L’industrie textile

Aujourd’hui, l’industrie textile mondiale est en mutation, entraînée par un courant d’innovation. Celui-ci touche des secteurs multiples comme la santé, le sport ou la communication. Ce phénomène lié au développement des nanotechnologies et de la manipulation de la matière aux échelles atomiques et moléculaires est le fruit d’une nouvelle génération de textiles : les textiles intelligents.

 

Cet engouement généralisé sur ces « e-textiles » est-il justifié ? Ce développement est-il la genèse d’une mutation profonde de l’industrie textile ou la prolifération de gadgets superflus ?

Si l’on se réfère à la définition du Centre Européen de Normalisation, les matières et systèmes textiles intelligents ont la capacité d’interagir avec leur environnement au travers de deux fonctions principales :

  • Tout d’abord, une fonction de communication externe par l’intermédiaire d’actionneurs, de capteurs et d’un dispositif de gestion de l’information,
  • Et, une fonction d’énergie : fibres optiques, fils conducteurs, chauffages thermique, textiles fluorescents grâce à des propriétés spécifiques apportées par le matériau, sa composition, sa construction ou sa finition.

Le contexte français

Aujourd’hui, la France est un des acteurs principaux de ce mouvement international d’innovation. Elle se mobilise notamment au travers de plusieurs projets. Le développement de textiles intelligents nécessite des besoins spécifiques pour les entreprises. Des électriciens, professionnels du codage ou de logiciels sont nécessaires aux entreprises du textile pour entrer sur ce nouveau marché. Dans ce cadre, l’Union des Industries Textiles (UIT) préconise aux acteurs de la profession textile d’identifier les profils recherchés pour ce développement, de veiller à intégrer dans le contenu des formations des Ecoles liées au secteur textile (ENSAIT, ITECH, ENSISA…) le savoir-faire pour la réalisation de textiles intelligents. Mais aussi de sensibiliser les Ecoles et centres de formation du domaine de l’électronique, codage et traitement de données à l’émergence du marché des textiles afin d’adapter également leur formation.

D’autre part, un accord a été signé en 2016 entre les 8 branches d’OPCALIA TMC – accompagnateur dans la formation de salariés – et le Ministère des affaires sociales et de l’emploi pour favoriser la transition numérique :

  • Accompagnement des PME dans leur transformation numérique,
  • Création d’une plateforme digitale RH,
  • Apport aux PME de l’appui du digital dans leurs démarches de recrutement, de formation et certification professionnelle, de transmission des savoir-faire,
  • Mise en place d’actions pilote. Dans ce cadre, l’UIT a proposé un atelier créatif en février 2017 afin de sensibiliser les acteurs de la profession aux différents savoir-faire indispensables pour marier le textile et l’électronique.

 

D’autres projets sont également en marche comme la « Plateforme française des textiles intelligents » créée en 2017. Son but est notamment d’unifier la communication et les expériences sur les projets de R&D en cours dans le domaine. Suite à sa création, une demande a été exprimée à la DGE pour ajouter la thématique #Smart Tex Tech à la French Tech, réunissant les start-up françaises de tous secteurs d’activités réparties aujourd’hui dans 9 thématiques différentes.

Les techniques et matériaux en plein essor

Aujourd’hui, la recherche de nouveaux matériaux et de techniques innovantes pour le développement de textiles innovants est en expansion.

En voici un échantillon :

  • Les nanotextiles

Les matériaux de l’ordre du nanomètre appelés nanomatériaux possèdent des caractéristiques physico-chimiques particulières. Elles leur valent de nombreuses études dans des domaines très variés. Dans le cadre des textiles, ceux-ci sont notamment intégrés aux fibres par l’intermédiaire d’une étape d’élaboration de nanofibres ou lors de l’ennoblissement des textiles afin de créer ces nanotextiles.

  • La microencapsulation

Il s’agit d’une technique permettant d’emprisonner des composés liquides ou solides dans une enveloppe, généralement une membrane polymère, qui les isole de l’environnement extérieur ou ralentit leur libération. Des méthodes par polymérisation in situ ou polycondensation interfaciale sont généralement utilisées pour réaliser ces microcapsules. La libération des composés emprisonnés peut alors se faire par un changement de température, de pH ou par contrainte mécanique par exemple. Ces microcapsules peuvent être intégrées aux textiles lors du filage ou bien fixées par immersion, enduction ou pulvérisation avec ajout d’un liant. Néanmoins, cette technique est souvent remise en cause en raison de son coût élevé et de l’utilisation de substances qui peuvent se révéler toxiques pour l’Homme.

  • Les composites textile

Les composites textiles sont constitués d’une matrice polymère de type résine à laquelle est ajoutée principalement un renfort fibreux (fibre minérale, organique ou végétale) apportant des propriétés mécaniques. Des charges peuvent être ajoutées afin d’apporter des propriétés supplémentaires au composite textile comme la conductivité ou des propriétés ignifugeantes.

  • Les biotextiles

Il s’agit de structures composées de fibres textiles conçues pour être utilisées dans des environnements biologiques spécifiques où leur performance dépend de leur biocompatibilité et biostabilité avec des cellules et des liquides biologiques.

  • Le graphène

Matériau en fort développement, le graphène, couche cristalline d’atomes de carbone dont la superposition forme le graphite, possède des caractéristiques physico-chimiques exceptionnelles. Résistance mécaniques, conductivité, résistance thermique … Les applications dans le milieu textiles sont ainsi multiples et de nombreuses études sont en cours faisant mention du graphène.

Des applications très diversifiées

De nombreuses études sont en cours dans des laboratoires publics ou dans des entreprises privées de secteurs très variés dans le but de développer les textiles de demain. A ce jour, les principales familles de textiles innovants sont les suivantes :

  • La protection : les applications sont multiples. Des projets sont à l’étude sur le développement de cagoules pour sapeurs-pompiers dotées de minuscules capteurs pouvant mesurer la température de la peau, le rythme cardiaque ou encore les mouvements. Dans le même esprit, des vestes intelligentes dotées de capteurs de température et d’humidité capables de déclencher des alarmes sonores et visuelles sont à l’étude.
  • Le sport : Des vêtements connectés sont à l’étude et un t-shirt fournissant des données sur son entraînement physique, la qualité de son sommeil et son activité au quotidien avec des propriétés de résistance à l’eau vient d’être développé par Hexoskin.
  • La santé : Une couverture récemment développée par Philips possède des LED bleues intégrées permettant de traiter la jaunisse des nourrissons en détruisant la bilirubine, responsable de la couleur jaune de la peau des bébés. De nombreuses autres applications peuvent être envisagées dans le domaine de la santé avec des textiles permettant d’analyser le rythme cardiaque ou le taux d’insuline ou bien même de délivrer des médicaments au patient.

Conclusion

Un élan d’innovation et de transition vers des projets de développement de ces nouveaux textiles est aujourd’hui en marche. En témoigne les projets mis en œuvre en France et en Europe pour favoriser ce développement et accroître le socle de connaissances sur le sujet. Les applications liées aux textiles intelligents sont donc multiples, avec des utilisations superflues qui sont vouées à disparaître au profit de certaines qui apportent des performances inédites, notamment dans le domaine de la santé. Néanmoins, des études doivent être approfondies pour appréhender les risques liés à l’utilisation de tels objets connectés sur l’organisme.


Bibliographie